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Le SDRIF de la Méduse

Article publié par Alain Lipietz, économiste, ancien député européen EELV, membre du conseil fédéral et du conseil d’orientation politique d’EELV.

Le Sdrif signifie : Schéma directeur régional de l’Ile-de-France. C’est un texte voté par l’assemblée régionale qui oriente l’urbanisme de la région et s’impose aux PLU (plans locaux d’urbanisme) des communes.

Jusqu’au 15 mai, la population francilienne est appelée à se prononcer par enquête publique sur le Schéma directeur régional de l’Ile de France (SDRIF), explique Alain Lipietz, sur son blog (sur lequel on retrouve toutes ses analyses, ainsi que les documents édités par la région). Une révision qui n’a guère mobilisé les medias. Pourtant, elle renverse un demi-siècle d’efforts d’aménagement du territoire national et de la région capitale, va aggraver les conditions de vie de millions d’habitants, et compromettre encore la compétitivité française. Dès 1965, les « grands commis » Paul Delouvrier et Olivier Guichard s’inquiètent de la polarisation de la population et de l’activité française sur la région parisienne et les métropoles lilloise, lyonnaise et marseillaise. Cette polarisation contraste avec le réseau de métropoles moyennes qui caractérise l’Allemagne et l’Europe rhénane ou alpine. Leur réponse : équilibrer Paris par des métropoles de taille européenne, et structurer la croissance de la « pieuvre » parisienne, par des villes nouvelles séparées de Paris, en préservant les plateaux agricoles qui s’intercalent entre ses « tentacules ».

photo Elodie Grégoire

Dès la révision de 1992-1994, on cherche à rectifier les échecs : l’Ile de France croît en « comblant les vides », privant les villes nouvelles d’autonomie. Seule Strasbourg, Toulouse et Nantes ont accédé à une taille européenne, mais parviennent à peine à stabiliser la croissance de l’Ile de France, de plus en plus encombrée. Le Sdrif 1994 pose un plafond de 10,5 millions d’habitants pour la région, trace des « coulées vertes » et esquisse un projet d’équilibrage sur l’ensemble du Grand Bassin Parisien : la « route des cathédrales », incluant la Normandie et le Val de Loire.

Mais il est trop tard. L’hégémonie des idées libérales en matière de parcours professionnels et d’urbanisme élève l’Ile de France, « spontanément attractive », comme seule chance de la France face à l’attractivité de la « banane » rhénane. Complet contre-sens : les coûts du foncier dans cette mégapole congestionnée pèsent davantage sur la compétitivité des entreprises que le coût du travail, par rapport au réseau des villes allemandes.

En 2004-2008, une longue négociation parvient à un Sdrif peu satisfaisant mais qui représente un compromis acceptable. C’est alors que le Président Sarkozy le bloque et lui lance dans les pattes un contre-projet, la Loi Grand Paris, avec un immense réseau de métros de banlieue. Miracle ou mirage, ce plan bouleverse le projet de 2008. Le président du Conseil régional, Jean-Paul Huchon, suivi par les groupes PS et Verts, accepte de négocier pour ne pas se priver de ces projets de métros. Ce compromis entre le Sdrif de 2008 et le Grand Paris est adopté par le Conseil régional, en décembre 2012, pour mise à enquête publique : maintenant !

Le Grand Paris se résume à la carte du pharaonique Grand Paris Express, dont on sait maintenant qu’il était infinançable. Il comprend une nécessaire ligne circulaire en proche banlieue (lignes Rouge et Orange, qui auraient dû être construites depuis belle lurette !), et des lignes comme la Verte qui ne servent qu’à urbaniser les espaces naturels subsistant en deçà des villes nouvelles.

C’est qu’au nom de la « densification », sous prétexte de ne plus toucher aux espaces agricoles, le Sdrif bouche les espaces verts interstitiels subsistants. La mégapole parisienne, qui s’étendait en tentacules de pieuvre – laissant des langues de terres végétalisées (agricoles, forestières ou de loisir) jusqu’à proximité du centre, risque ainsi de se transformer en immense amas urbain sans coupure verte. De même, au nom de la « ville des courtes distances », on renonce à une politique volontariste de consolidation d’une douzaine de bassins de vie, avec équilibre habitat-emploi, à l’intérieur de la mégapole. C’est la transformation de la pieuvre en méduse !

Ainsi, les terres « vertes » interstitielles grandes et petites (plateaux de Saclay ou de Longboyau, Triangle de Gonesse, etc.) sont couvertes de « pastilles rouges » (zone promises à la densification). Politique du Sapeur Camember, qui bétonne des zones agricoles « internes » pour épargner la campagne extérieure, et proclame des « centres intra-régionaux » partout en renonçant à en structurer nulle part ! L’urbanisation reste au total aussi consommatrice d’espaces agricoles, mais on a oublié les fonctions écologiques des zones vertes intérieures : climatisation, filtrage des eaux de pluie et des pollution, zones de détentes, paysages… Et rien n’est fait pour remédier aux immenses zones d’habitat loin de l’emploi, ni surtout pour reprendre la négociation d’une répartition « en étoile », à l’échelle du Bassin Parisien, de l’emploi et du logement d’une population française qui reste dynamique. Non : il faut rendre la méduse encore plus « attractive » !

Il serait hasardeux de penser remettre en cause globalement ce schéma. En revanche, l’enquête publique est l’occasion de sauver localement ce qui peut l’être, par amendements protégeant les « espaces de respiration » et refusant les « pastilles rouges » inconsidérées.

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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