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L’écotaxe : un bien pour la France et la Bretagne

Après le report de l’écotaxe et les déclarations multiples de personnage politiques de droite et de citoyens lambda sur le « trop plein » d’impôt, Eva Sas, députée Europe Ecologie Les Verts, vice-présidente de la commission des finances de l’Assemblée nationale, explique pourquoi cette taxe devait contribuer à protéger les emplois locaux et à financer la transition écologique…

Publié dans Libération, le 1er novembre.

La mise en place de la taxe poids lourds, prévue au 1er janvier 2014, est une nouvelle fois reportée, et – cette fois – sans échéance. Ce nouveau recul du gouvernement est scandaleux. Les réticences exprimées, en particulier en région Bretagne, face à cette nouvelle disposition, doivent sans doute plus à l’exaspération devant l’accumulation des mesures fiscales, au sentiment que certaines catégories – les entreprises, les actionnaires – sont épargnées dans l’effort collectif et à la crise, réelle, profonde, du modèle agroalimentaire breton, qu’à la mesure elle-même.

Il s’agit, en effet, d’une mesure de bon sens, qui, il faut le rappeler, avait été votée en 2009 à l’unanimité. Pourquoi ? Parce qu’elle poursuit deux objectifs majeurs, partagés par tous : contribuer à la relocalisation des productions en donnant au transport son juste prix, et favoriser un report du transport de marchandises de la route vers le fret ferroviaire et fluvial. Une mesure indispensable, puisque, malgré les investissements réalisés sur les infrastructures de fret ferroviaire, la part du non routier plafonne, et c’est encore 88% des marchandises qui sont transportées par camion en France !

Conçue pour intégrer dans le prix du transport les externalités négatives – usure de la voirie, pollution de l’air, nuisances sonores, dérèglement climatique – la taxe poids lourds contribue à faire payer le transport à son prix réel pour la collectivité. Et ces objectifs de report modal et de réduction du trafic routier marchandises ont été atteints partout où elle a été mise en place. En Allemagne, où la mesure a été adoptée en 2005, la distance parcourue par tonne de marchandises a diminué de 0,5%. En Suisse, où l’objectif de report modal est un objectif constitutionnel, la redevance sur le trafic poids lourds mise en place en 2001 a permis d’éviter 600 000 poids lourds dans la traversée des Alpes suisses.

C’est de plus, dans l’éventail des mesures possibles, une disposition particulièrement intelligente parce qu’elle limite le report de trafic des poids lourds des autoroutes payantes vers les routes nationales, jusqu’alors gratuites. Et parce qu’elle touche tous les poids lourds, français et étrangers, contrairement à d’autres mesures, comme celles touchant à la fiscalité des carburants, qui peuvent, au contraire, favoriser la concurrence de poids lourds étrangers ayant fait le plein avant la frontière.

Les caractéristiques spécifiques de la région Bretagne, qui sont réelles, ont déjà été prises en compte dans les modalités d’application de la taxe poids lourds : du fait de son positionnement périphérique, elle bénéficie déjà d’une décote de 50% sur la taxe, décote la plus élevée de toutes les régions françaises. La nationale 164 et les collecteurs de lait sont déjà totalement exemptés. La crise de l’agroalimentaire en Bretagne est un enjeu réel, mais il n’a rien à voir avec la taxe poids lourd et mérite des mesures structurelles spécifiques et la mobilisation des moyens de la solidarité nationale.

Mieux encore, la Bretagne devait bénéficier largement des recettes de la taxe poids lourds qui était destinée à financer les investissements nationaux en matière d’infrastructures de transports. C’est 760 millions qui devaient abonder le budget 2014 de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), dont 135 millions pour la Bretagne avec la ligne ferroviaire Le Mans-Rennes notamment. Comment les Bretons pourront-ils justifier de continuer à bénéficier de ces investissements nationaux, alors même qu’ils refuseraient de contribuer à leur financement, et que la Bretagne est bénéficiaire nette de cette mesure puisque seuls 42 millions d’euros seraient prélevés sur le territoire breton ? Quelles sont les mesures que le gouvernement entend mettre en place pour pallier le manque à gagner de l’AFITF, qui a déjà été de 260 millions en 2013, et qui, chaque mois qui passe, coûte 70 millions d’euros de plus ?

La taxe poids lourds est donc une mesure juste et efficace. Si nous voulons développer le fret ferroviaire, créateur d’emplois, diminuer le trafic des camions sur nos routes nationales et ses nuisances, financer les projets fluviaux et ferroviaires de demain, nous devons maintenir cette disposition qui permettra à la France de combler, en partie, son retard en matière de transition écologique.

Eva Sas

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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