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« Stress des patrons » : le pacte d’irresponsabilité de Pierre Gattaz

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Le président du Medef a demandé un moratoire sur toutes les réformes en cours ou à venir qui pourraient faire peur aux entrepreneurs. C’est la marque d’une irresponsabilité totale à l’égard des seniors, des stagiaires ou des salariés en situation de pénibilité.

Par François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé et Travail et vice-président de l’Andeva (Association nationale des victimes de l’amiante). Publié initialement sur le site d’Alter Eco.


C’est à se demander si le patron du Medef n’aime rien tant que d’alimenter sa marionnette des Guignols de l’info en saillies en tout genre. Après sa sortie américaine où, invité du voyage présidentiel, il s’est permis de critiquer violemment le pacte de responsabilité du chef de l’Etat, le voilà qui, mardi, au cours de sa conférence de presse, s’est plaint du « stress des patrons » engendré par « ces lois qui sont dans les tuyaux ».

Pierre Gattaz a « peur ». Peur du contrat de génération, peur du projet de loi visant à éviter les abus d’emploi des stagiaires, peur encore de la réglementation à venir sur la pénibilité, prise dans le cadre de la loi sur les retraites. Pierre Gattaz veut un moratoire sur tous ces textes. Rien de moins.

Gageons qu’il y aura bien quelqu’un au sein de l’entourage du patron des patrons pour lui expliquer le fonctionnement des institutions de la 5ème République. Lorsqu’une loi est votée par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel, comme cela a été le cas avec celle sur la réforme des retraites, il revient aux pouvoirs publics de préparer les décrets d’application. Certes, il est déjà arrivé par le passé que le gouvernement « oublie » de publier certains textes réglementaires. Mais il s’agissait le plus souvent de dispositifs techniques obscurs pour le grand public. Comment monsieur Gattaz peut-il espérer que le gouvernement « oublie » en toute discrétion celui sur la pénibilité, alors que c’était la contrepartie portée par le Premier ministre pour faire accepter cette réforme des retraites à une majorité de gauche hostile à l’allongement de la durée de cotisation?

Equité sociale

Plus sérieusement, le Medef peut-il raisonnablement combattre un dispositif visant à traiter la question de pénibilité du travail ? Certes, on peut admettre que le patronat ne soit pas très sensible aux questions d’équité sociale et donc qu’il ne soit pas demandeur de mesures visant à compenser par des départs anticipés la perte d’espérance vie due aux expositions professionnelles et aux mauvaises conditions de travail… Mais dans un pays où l’écart d’espérance de vie entre les catégories sociales est très élevée (près de sept ans), où le lobbying patronal contre des mesures de prévention porte une lourde responsabilité dans l’ampleur de la catastrophe de l’amiante – laquelle a volé des années de retraite à des dizaines de milliers d’ouvriers – on pourrait s’attendre à davantage de commisération.

Maintien en emploi des seniors

Au-delà de cette irresponsabilité morale, c’est l’irresponsabilité sociale illustrée par cette sortie du premier patron de France qui est la plus inquiétante. Le « compte personnel de prévention de la pénibilité », voté dans la réforme des retraites et dont la rédaction des décrets effraie Monsieur Gattaz, est aussi un mécanisme devant inciter les entreprises à adapter les conditions de travail au vieillissement des salariés. C’est le corollaire indissociable du recul de l’âge de la retraite réclamée par le Medef. Il s’agit ni plus ni moins de permettre effectivement aux seniors de se maintenir en emploi, et donc d’offrir des conditions de travail soutenables pour des salariés vieillissants. C’est ce qu’ont fait les pays d’Europe du Nord.

Les entreprises françaises, elles, en sont encore loin. Comme l’a montré le rapport Moreau et les rapports successifs du Conseil d’orientation des retraites, notre taux d’emploi des seniors reste bien inférieur à la moyenne européenne. Les âges effectifs de sortie du marché du travail restent en deçà de l’âge légal de départ en retraite. Entre les deux, les transitions sont l’inaptitude médicale, le chômage, l’invalidité…

Les entreprises ne se sont pas adaptées pour garder en leur sein des salariés dont les capacités déclinent sous l’effet de l’avance en âge, des maladies chroniques qui surviennent après 50 ans, et des conséquences à long terme des expositions professionnelles passées. Et selon le principe des vases communiquant, reculer l’âge de la retraite au nom de l’équilibre des régimes, sans se préoccuper des conditions de travail comme semble le prôner Monsieur Gattaz, c’est creuser le déficit de l’assurance-chômage et de l’invalidité.

Enfin, on peut aussi évoquer l’irresponsabilité politique du Medef. Cette question de la pénibilité n’est pas arrivée avec la gauche. La loi Fillon de 2003 sur les retraites comportait déjà un volet pénibilité. Sauf qu’elle renvoyait le traitement de cette question à la négociation entre les partenaires sociaux, sans contrainte de délai comme l’avait plaidé le Medef. Or ce dernier, considérant qu’il avait eu satisfaction avec ce premier allongement de la durée de cotisation, a refusé pendant des années de négocier sur la pénibilité. Et en 2010, lors de la seconde loi Fillon sur le même sujet, il a usé de son écoute auprès d’une majorité complaisante pour totalement vider de sa substance un dispositif pénibilité mort-né.

Il faudra bien qu’un jour l’organisation patronale choisisse : soit elle assume pleinement son rôle de partenaire social crédible et fiable, et elle accepte le jeu de la démocratie sociale, soit elle mise sur des majorités politiques qui lui sont plus favorables et elle compose alors avec la démocratie parlementaire. Tant que ce choix n’est pas fait, Pierre Gattaz encourt le risque de devoir imiter longtemps sa marionnette des Guignols !

François Desriaux

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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