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Au pays des déchets et des ordures

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Un clan mafieux à la française contrôle l’enfouissement de déchets dangereux, façon Camorra de Naples. Derrière les gros titres de la télé, une autre réalité : les services d’État laissent faire les magouilleurs, car c’est la seule solution qu’ils ont trouvée.

Article publié par Fabrice Nicolino sur son blog Planète sans visa, le 3 avril 2014.

Les journaux aiment enfiler des perles, ça passe le temps. Exemple entre cent : l’affaire de la décharge mafieuse. En deux mots, une famille de la grande truanderie – le clan Hornec -, installée à Montreuil, tout près de Paris, magouillait de manière à enfouir illégalement des déchets toxiques. Où ? À la frontière entre Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne, à Villeparisis. La combine est fort simple : on propose d’embarquer des déchets spéciaux, qui devraient être retraités dans des installations adaptées, et on les enterre dans des champs, si possible près de décharges autorisées, pour contrarier de très éventuels contrôles. Si l’industriel respecte la loi, il paie bonbon. S’il refile ses merdes sans savoir où elles atterriront, il fait une belle affaire.

S’agit-il, comme le répètent en boucle les gazettes, d’une importation des mœurs de la Camorra italienne, qui a pourri toute la région autour de Naples, la Campanie ? Rien n’est moins sûr. L’affaire de Villeparisis révèle en fait une impasse radicale, celle de la gestion des déchets de notre monde. En 2007, la farce du Grenelle de l’Environnement avait juré de réduire le volume de déchets ménagers de 7 % par habitant en cinq ans. Il est passé de 29,3 millions de tonnes en 2008 à 31,9 en 2012, soit une augmentation de 9 % qui ne veut de toute façon rien dire, car personne ne contrôle véritablement de tels flux.

Pour ce qui concerne les déchets industriels, les classements statistiques distinguent à la louche folklorique les déchets dangereux et non-dangereux. Vous m’en mettrez 315 millions de tonnes en 2008, dont 15 seraient craignos. Dans tous les cas, il faut banquer, et comme on ne parvient plus à ouvrir une décharge sans provoquer une levée de fourches, le système est auto-bloqué. La vérité approximative de l’affaire de Villeparisis, c’est que tout le monde est au courant, et que tout le monde regarde ailleurs.

La preuve par ce fait divers rapporté dans un coin du Parisien le 3 mai 2013. Près d’un an avant le supposé scandale en cours, la Direction départementale des territoires (ancienne DDE) fait les gros yeux à la société RTR, celle impliquée dans l’affaire Hornec. Des camions remplissent 18 hectares de terres proches de Villeparisis – là même où les flics viennent de débarquer – et exigent l’arrêt du déversement de déchets. RTR continue comme si de rien n’était. Un type de la DDT, dans Le Parisien : « Ces pratiques diffuses se multiplient. C’est difficile à contrôler ».

Ne rêvons pas : si les flics sont cette fois intervenus, ce n’est pas pour empêcher des enfouissements illégaux, mais pour coincer leurs ennemis jurés, les Hornec. Sur place, à Villeparisis, une association locale comme on les aime se bat depuis des années le dos au mur, dans l’indifférence la plus totale.  L’Adenca s’inquiète notamment pour les Grues, une petite rivière qui coule dans la Beuvronne, un affluent de la Marne. Le captage d’Annet, qui abreuve en eau potable 500 000 habitants, est juste en aval. Combien de points de contrôle de la qualité des eaux des Grues ? Aucun.

Aucun, et c’est plutôt vertigineux, car les Grues reçoivent les eaux de ruissellement de RTR – dépôt illégal -, de déchets dangereux de la société Paté de Villeparisis – dépôt illégal -, de l’ancienne décharge « Les Remblais Paysagers de Claye-Souilly » – dépôt illégal -, de la décharge BMR – dépôt illégal. Un mot de plus sur BMR, spécialisée dans « les déchets de chantier ». La boîte a pourri pendant 13 ans le site des Murs à pêche de Montreuil – chez les Hornec ! – déversant le chargement dégueu de centaines de camions, sans aucune autorisation. Ont-ils reçu la visite des flics ? Jamais. Après une énième mise en demeure, BMR a jugé plus prudent de quitter Montreuil pour dégueuler sur Villeparisis. Et se trouve depuis octobre 2013 en règlement judiciaire. Le nettoyage, s’il a lieu, sera payé sur fonds publics.

La morale de l’histoire est limpide : incapables de faire face à une situation délirante – la surproduction de déchets, y compris toxiques -, les services d’État laissent faire les margoulins. On pourrait presque ouvrir une chronique hebdomadaire. Fabrice Nicolino

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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