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L’écologie sommée d’agir dans les quartiers

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Tribune publiée le 23 janvier 2015 sur le site du huffingtonpost.fr.

par Erwan Rudy, Directeur de l’agence de presse Ressources urbaines, dondteur et rédacteur en chef du journal Presse & Cité. Djamila Sonzogni, Conseillère régional Alsace et conseillère municipale de Mulhouse et Halima Menhoudj, Maire-adjointe en charge des personnes âgées et des solidarités intergénérationnelles à la Ville de Montreuil.

L’écrivain algérien Kamel Daoud, lui aussi menacé par une fatwa, le dit avec force: « Je ne peux raconter la même histoire dans une forêt qui brûle que dans une forêt qui pousse ». Il est à redouter, une fois l’émotion nationale retombée, que les forêts brûlent à nouveau, que les discours de haine refleurissent et renforcent les clivages déjà profonds de la société française…

D’autant qu’un désarroi très profond trouble les acteurs des quartiers, sidérés et incapables de réaction commune. Comment s’en étonner? Quelle place leur est traditionnellement faite dans les lieux traditionnels d’expression et de mobilisation: partis, syndicats, médias…? Faute d’habitude, la prise de parole est difficile. D’autant que beaucoup se sentent en situation d’accusés potentiels. Les grands mots comme « apartheid territorial » peuvent contribuer à renforcer cette apathie, à anesthésier la pensée. Espérons qu’il ne s’agira pas de se contenter des mesures d’urgence sécuritaire qu’ils impliquent. Ces mots nous obligent à agir à la hauteur de leur force.

L’écologie, quant à elle, se trouve apparemment démunie, tant cette situation paroxystique échappe à ses combats. L’habituelle litanie sur les échecs de la République ne suffira pas. Un travail de terrain patient et obstiné sera nécessaire, sur deux fronts: en direction des quartiers populaires délaissés d’abord, mais aussi en direction de la société française dans son ensemble.

D’abord en direction des populations des quartiers populaires délaissés, à qui il faut offrir des protections, donner des responsabilités et avec lesquelles il faut mener un travail d’éducation et d’encadrement, pour remplacer les structures, les cadres et les repères que la mondialisation libérale détruit chaque jour.

Les fanatiques qui mènent la guerre sur notre sol ne sont pas des barbares venus d’ailleurs: ils se sont certes nourris d’un djihadisme numérique sans frontières, mais ce sont des citoyens français, des produits de notre société, notamment de ses banlieues métissées que l’on a tant de réticences à insérer au cœur de notre économie, de nos partis, du récit que nous faisons de notre nation et de l’Europe. Pour lutter contre ces fanatiques et contre l’islam dévoyé dont ils se revendiquent, nous devons remettre les quartiers au cœur de notre projet politique.

Ensuite, il faut ouvrir un nouveau dialogue avec ceux qui se revendiquent comme musulmans: pour les aider à se protéger des dérives xénophobes ou islamophobes qui pourraient naître dans les temps à venir; mais aussi pour les aider à mener avec nous le combat contre les dérives islamistes. Les musulmans n’ont à s’excuser de rien, mais doivent néanmoins se positionner comme les autres, et participer au débat public. Il faut surtout le leur permettre, sur tous les sujets, dans tous les espaces d’expression (médias, culture, partis etc.) et pas seulement en période de crise.

Ni forcément au nom de cette part de leur identité qu’est l’Islam (d’autant que les maghrébins, les habitants des quartiers ou les immigrés musulmans de culture ne le sont pas forcément de confession ou de pratique religieuse). Mais ces derniers seront sans doute les plus efficaces d’entre nous, aidés par des valeurs républicaines renouvelées. Il faudra à ce titre s’interroger sur la manière dont ces valeurs comme la laïcité sont devenues hostiles à certaines expressions religieuses ou culturelles, bien loin de l’esprit de la loi de 1905. Il nous faut une laïcité du vivre ensemble; car disons-le: l’islam modéré peut être l’un des remparts à l’islamisme.

Un Islam influencé par les Lumières (comme le Christianisme a pu l’être). Un dialogue doit se nouer entre la société dans son ensemble et les pratiquants, dans un véritable esprit concordataire, c’est-à-dire de réflexion sur la manière dont les institutions françaises peuvent redéfinir paisiblement la place qui revient à certaines religions minoritaires dans la société française.

En lien avec ces premiers combats, nous devons aussi réfléchir à la meilleure manière d’incarner les valeurs qui fondent notre nation, comme la liberté d’expression et la laïcité « à la française ». Ces valeurs sont parfois l’objet de doutes, notamment dans les quartiers. Beaucoup y voient par exemple Charlie Hebdo, héraut de ces valeurs, comme l’expression d’un monde médiatique dominant qui les rejette et les insulte régulièrement.

C’est pourquoi nous devrons faire œuvre de pédagogie sur la manière si typiquement française dont Charlie Hebdo porte l’esprit satirique tout en étant antiraciste; expliquer la différence entre offense à des idées (légale: Charlie) et offense à des populations (illégale: Dieudonné). Reconnaissons que la frontière est subtile et la jurisprudence parfois aléatoire. Et demandons-nous aussi si, en période de tension, ce que la loi doit permettre et protéger, la conscience de chacun ne doit-elle pas parfois le modérer…

Il va enfin nous falloir recréer un cordon sanitaire contre l’extrémisme de droite et les paroles de haine, cordon singulièrement poreux ces derniers temps dans les partis politiques et dans les médias. Médias et acteurs du « web » en particulier doivent être associés à ces réflexions. Car la division, la victimisation et leur conséquence, la paranoïa, préalable aux passages à l’acte, y font leur lit; aux partis d’y mener aussi un combat devenu prioritaire, notamment sur les réseaux sociaux.

Mais surtout, un travail de réarmement intellectuel s’avère nécessaire pour qu’enfin la politique soit à la hauteur de cet enjeu devenu prioritaire, y compris pour les écologistes: cela consiste à se ressouder autour d’un projet qui la transcende une société clivée. Ce réarmement passe par la compréhension que la transition écologique ne se fera pas sans les quartiers: ceux-ci peuvent être le chaînon manquant de l’économie circulaire en France, en tant que pôles où se réaliseraient la réhabilitation, la rénovation, le recyclage, le retraitement, le reconditionnement des biens de la société de consommation.

Nous devrons porter cette parole, forts d’une conviction: l’écologie est le principal message d’espoir terrestre de ce siècle naissant. Elle est le principal moteur de fraternité, consciente que la diversité naturelle et la diversité culturelle sont indispensables à la survie de l’humanité. Mais l’écologie est surtout une perspective qui peut nous unir au-delà de nos différences. Car elle propose un mode de vie, de comportement, un rapport au corps, à la nature, à la différence y compris sexuelle et de genre, elle propose une pensée, un projet, voire un programme et des normes: bref, un modèle, tout ce que recherchent bien des laissés pour compte.

Contre les individualistes qui croient à la main invisible du marché ou au progrès par la croissance sans limites, et encore plus contre les radicaux islamistes, les écologistes sont bien les premiers porteurs d’un projet d’espérance moderne.

Le débat ne fait que commencer. A nous de le préciser et de le porter ensemble. A nous de faire pousser les forêts, pendant que d’autres veulent les faire brûler.

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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