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David Cormand : « crise écologique et crise démocratique »

Discours de David Cormand, secrétaire national Europe Ecologie Les Verts, au conseil fédéral du mouvement, les 17 et 18 mars 2018. La crise écologique continue et l’action du gouvernement ne la prend pas assez en compte. Il n’y a pas de regain de confiance envers les responsables politiques et nous connaissons une crise démocratique. Ce qui favorise les populismes, non seulement en France, mais partout en Europe. « Jamais peut-être, face à la conjonction des crises énoncées, le besoin d’une force écologique et européenne n’a été aussi important…

Chères amies, chers amis,

La période demande que nous exercions un devoir d’élucidation du monde plus encore qu’à l’accoutumée. Partout ou le regard se porte, la confusion semble en effet l’emporter sur la clarté. Pourtant des lignes se dessinent qui tracent le contour des périls que nous devons affronter.

Premier élément déterminant : la crise écologique ne se freine pas. Ni à l’échelle planétaire, ni sur le continent européen, ni même dans notre pays on semble avoir pris la mesure de ce qui se joue présentement. Le paradoxe c’est que les discours se verdissent, que les consciences semblent s’ouvrir aux réalités environnementales indépassables, mais que le poids de l’inertie semble l’emporter. La présidence Macron n’est pas davantage à la hauteur des enjeux écologiques que la présidence Hollande.

Je ne dis pas que rien ne se fait. Je dis que le virage n’a pas été pris qui permettrait à la France de mener des politiques publiques environnementales dignes de ce nom. Le cap pris n’est pas le bon : nous restons prisonniers du mythe que la croissance résoudra tout, alors que nous savons qu’il n’en est rien. Ni notre politique industrielle, ni notre politique de la recherche, ni même notre politique d’aménagement du territoire ne sont marquées du sceau de la prise de conscience environnementale.

De ce point de vue, la modernité promise par l’arrivée d’une nouvelle génération de dirigeants aux responsabilités n’est qu’un mirage. L’âge ne fait rien à l’affaire : un jeune productiviste ou un vieux productiviste ont en commun la même vision rétrograde du monde. On nous avait promis que Macron était empreint de la pensée de Ricœur. On n’en trouve guère trace dans son exercice du pouvoir. La politique n’a pas gagné en sens, ni en sensibilité. L’ordre marchand semble devoir demeurer premier : la santé de notre pays doit donc continuer à se mesurer à l’aune du CAC 40. Dangereuse cécité. Nous n’attendions certes pas une conversion totale à l’écologie. Mais nous étions en droit d’exiger que le pragmatisme dont se targue le pouvoir actuel le conduise à réviser l’actuel modèle au regard de la catastrophe en cours.

A qui trouverait que mon analyse est sévère, je demanderais de se pencher sur l’actuelle réforme de la SNCF. Au lieu de jeter en pâture les cheminots à l’opinion en alimentant les rumeurs sur leur statut qui serait la cause de tous les mots de l’entreprise, n’aurait-il pas été plus conforme d’ouvrir le grand débat sur la place de notre politique ferroviaire dans la transition écologique ? Pour qui se souvient des bus Macron et du deal avec les société d’autoroute qui porte sa marque, il n’y a malheureusement rien d’étonnant à ce que le sujet ne soit pas abordé. Une réforme qui menace les droits sociaux et n’engage pas la mue écologique de la SNCF nous semble archaïque. Pardon de le dire avec force, mais pas un écologiste ne peut y voir augure de progrès.

Le deuxième élément qui doit nous interpeller, a à voir avec la crise démocratique.

En France, l’éclatement du paysage politique classique n’a pas débouché sur un regain de confiance dans la politique. Certes le nouveau pouvoir a renouvelé les visages et les générations. Mais les mêmes élites semblent confisquer le pouvoir, la distance entre le peuple et ses mandataires continue à se creuser, et la tentation populiste progresse. La droite classique s’est choisi pour chef un matamore tribunicien qui chasse sur les terres de la droite extrême.

Parallèlement, Marine Le Pen a choisi de tendre la main en direction de la droite pour impulser un nouveau cycle politique basée sur l’idée d’une coalition des forces qui font de la mondialisation, de l’islamisme et du refus de l’Europe leur programme commun. Chacun·e observe ce jeu tactique qui vise à occuper le leadership de la radicalisation identitaire du pays.

Cette surenchère est une menace pour notre cohésion sociale : appelons un chat un chat, Laurent Wauquiez comme Marine Le Pen sont des incendiaires. Leurs propositions politiques sont des involutions, des reculs démocratiques qui faisant reculer l’idée de l’universalité des droits de l’humain portent en germe des reculs civilisationnels profonds. Au fond, c’est avec l’idéal des Lumières qu’ils entendent rompre, sans oser l’affirmer. La faiblesse sociale du macronisme, son incapacité à réformer dans la justice, son inégalité dans la répartition des revenus, en un mot sa politique qui consiste à donner davantage encore aux mains déjà pleines et aux territoires déjà privilégiés ne peut que braquer davantage les esprits qui se sentent déjà dépossédés de la maitrise de leur destin. De ce point de vue, l’orthodoxie libérale de Macron fait système avec les éructations nationaliste de Le Pen : Macron est aujourd’hui le rabatteur des extrêmes.

L’exemple italien doit nous mettre en garde. La politique de Matteo Renzi a au final renforcé la montée de la Lega et du Mouvement 5 étoiles. Mouvement 5 étoiles dont la plasticité est la condition même du succès. Ce mouvement twitter, déversoir de la colère populaire, agrégateur de contradictions, est une force populiste difficile à caractériser, mais qui remet profondément en cause l’état actuel de nos démocraties. Cette question est continentale.

Je veux prendre un moment pour aborder cette question des populismes. Vous avec en tête cette phrase célèbre de Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à paraître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Nous sommes dans ce clair-obscur. Et les monstres sont les populismes. Je ne me résous pas à ce que nous soyons condamné à nous joindre à la brutalisation des débats ambiants, à l’instrumentalisation des colères et des douleurs, à ajouter du bruit et de la fureur aux ruptures que notre société est en train d’affronter. La remise en question des contre-pouvoirs, des corps intermédiaires et la quête hégémonique de l’incarnation du tout, sans partage, sans remise en question ne me paraissent pas tracer des chemins d’espérances. Au contraire, ils concourent à l’incapacité de trouver les moyens d’agir collectivement pour inventer une nouvelle société.

Et cela m’amène à la troisième crise dont je souhaite vous entretenir, la crise européenne. Partout les nationaux-populistes ont le vent en poupe. Partout ils tentent d’imposer leurs thèmes et leur agenda dans le débat public. J’affirme que l’enjeu pour les prochaines européennes est de structurer une offre alternative suffisamment attractive pour faire entendre la voix d’une Europe écologiste et solidaire. L’initiative Macron-Merkel est restée à quai. Pas uniquement parce que les conditions politiques n’étaient pas remplies, mais également faute de carburant propulsif. Leur projet apparait pour ce qu’il est : une forme de statu quo opposant une fin de non-recevoir à celles et ceux qui réclament une autre Europe, plus sociale, plus généreuse, plus solidaire, et au fond, plus européenne.

Face à cette Europe de la déception, Jean-Luc Mélenchon ne propose pas de renverser la table, mais bel et bien de la quitter. Les positions européennes qu’il défend ressemblent davantage désormais à des positions anti-européennes qu’a des positions alter-européennes.

Entre la dérive libérale et le replis national, nous affirmons qu’une autre Europe est possible et nécessaire. En, cela nous nous opposons à la fois à ceux qui pensent que rien ne doit changer et à ceux qui pensent qu’il est trop tard pour changer. Je ne désespère pas de faire évoluer les insoumis, ni même les amis d’Emmanuel Macron sur ce point. Mais seule la réalité d’un rapport de force culturel, militant, politique et au final électoral nous permettra de montrer qu’en France les pro-européens veulent une autre Europe que celle qui se construit aujourd’hui, Europe libérale, Europe forteresse, et Europe de la crise climatique. Ne cédons donc rien de nos convictions. Plus que jamais l’idéal européen est notre étendard.

Jamais peut être, face à la conjonction des crises énoncées, le besoin d’une force écologiste et européenne n’a été aussi important. Car il s’agit de bâtir un nouveau rêve européen.

J’entends parfois que nous serions faibles, que nous serions petits, que nous nous sentirions seuls. J’ai au contraire le sentiment que beaucoup de citoyennes et de citoyens européens aspirent à autre chose, qu’ils espèrent ce « nouveau monde » que j’évoquais tout à l’heure et qui tarde à paraître. Alors, je vous le dis, mes amis des mauvais jours, c’est la nuit qu’il fait beau croire à la lumière. Rien n’est jamais écrit pour celles et ceux qui agissent avec la conviction tranquille et déterminée qu’il n’y a pas d’ordre immuable des choses.

Je sais que les temps sont rudes. Mais je vous demande de tenir bon. De nous serrer les coudes. d’affûter nos arguments, de donner de la voix dans les débats qui traversent le pays.

Les Assises de l’écologie participent de notre réarmement intellectuel et civique. A nous d’inventer des formes nouvelles et audacieuses pour parler au cœur du pays et avec lui construire un avenir écologique. A nous d’incarner un optimisme lucide en proposant les solutions que nous savons utiles pour préserver le vivant, renforcer les solidarités, redonner le sourire à notre démocratie et ainsi proposer un avenir désirable. A nous, aussi, de savoir rassembler, comme nous avons su le faire en posant la bonne question, la seule qui compte, à celles et ceux avec qui nous pouvons inventer une nouvelle aventure: « Je ne te demande pas d’où tu viens, mais où nous voulons aller ensemble ».

Je vous remercie.

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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