Ecologie pour Rosny

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Interview Eva Joly (Le Parisien)

Elue députée européenne en juin en Ile-de-France, Eva Joly, 66 ans, est l’une des figures d’Europe Ecologie, aux côtés de Daniel Cohn-Bendit et de la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot. Avant de s’engager en politique, l’ancienne magistrate franco-norvégienne avait instruit des dossiers politico-financiers tels que l’affaire Elf ou les frégates de Taïwan.


Barack Obama mérite-t-il le prix Nobel de la paix qui vient de lui être attribué ?

C’est trop tôt. Il a suscité d’immenses espoirs dans le monde, par le symbole qu’il représente et les discours qu’il a tenus. Il détient les clés pour régler le conflit israélo-palestinien : j’aurais aimé qu’Obama reçoive ce prix Nobel une fois cette question réglée, quand deux Etats séparés auront été créés. Or aujourd’hui, on prend le chemin inverse, on n’est pas capable de s’opposer aux constructions des colons israéliens. Il faut une énorme pression américaine.

Vous pensez que le nouveau président américain a été trop encensé ?

Il incarne toujours un espoir mais tout ce qu’il n’a pas fait commence quand même à se voir. Il a manqué d’ambition au dernier G 20, on aurait pu aller plus loin sur les bonus, la régulation financière… Certes, il a décidé de fermer Guantanamo et mis de l’ordre dans les méthodes d’interrogation de la CIA. C’est bien, mais pour l’instant, c’est peu.

Dans l’affaire Frédéric Mitterrand, qu’est-ce qui vous a le plus choquée ? Ses écrits ou les attaques qu’il a subies, notamment de la part du PS ?

D’abord, je n’ai pas lu le livre. Mais je dois avouer que Frédéric Mitterrand m’a fait rêver avec ses magnifiques émissions sur les stars. J’ai donc un a priori très positif sur lui comme ministre de la Culture. Concernant l’affaire, je n’aime pas les procès d’intention et j’ai peur de l’amalgame. On lui a fait un procès très violent. Il fallait qu’il s’explique pour ne pas laisser subsister le doute sur la pédophilie. Il l’a fait. J’ai trouvé ses explications convaincantes.

La Suisse doit-elle extrader le cinéaste Roman Polanski, soupçonné par un juge américain de « relations sexuelles illégales » avec une mineure ?

Ce mandat d’arrêt choque parce qu’il porte sur des faits qui remontent à plus de trente ans. Or, en France, un viol qui s’est déroulé il y a une trentaine d’années n’est plus punissable. Et il est certain que l’homme Polanski aujourd’hui n’a rien à voir avec l’homme de l’époque. Mais aux Etats-Unis, comme en Suisse, la prescription pour la délinquance sexuelle sur mineur n’existe pas. J’ajoute que la prescription ne fait pas partie des droits de l’homme : l’oubli n’est pas un droit acquis. Les conditions juridiques d’une extradition sont donc réunies. Au nom du respect des conventions internationales, le mandat d’arrêt des Etats-Unis doit être honoré : Polanski doit être extradé. On peut faire preuve de compassion, dire que c’est terrible. Mais il va pouvoir s’expliquer devant la justice.

Que vous inspire le procès Clearstream ?

Dans cette affaire, la justice est totalement instrumentalisée. Le conflit entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin devait se régler sur le terrain politique et non dans un tribunal. L’ancien Premier ministre comparaît pour complicité de dénonciation calomnieuse : ce n’est pas une infraction majeure. C’est un écran de fumée pour masquer toutes les enquêtes en matière de délinquance financière qui n’ont pas été menées par la justice. Pensez que ce dossier a occupé deux juges à plein-temps pendant cinq ans ! C’est une énorme capacité de travail investie pour chercher à établir quelque chose qui, à mon avis, est très compliqué à établir.

Comment jugez-vous l’attitude de Dominique de Villepin ?

Il se bat pied à pied. Mais si j’étais juge à la Cour européenne des droits de l’homme, je dirais que les conditions d’un procès équitable et objectif ne sont pas réunies aujourd’hui. Le président de la République pèse incontestablement sur le procès Clearstream puisqu’il est partie civile. Sarkozy bénéficie de l’immunité présidentielle alors que Villepin, lui, n’a pas droit à l’immunité pénale. Il y a donc rupture de l’égalité des armes devant la justice. Chaque citoyen a droit à un procès équitable, et là ce n’est pas le cas. D’autant plus que le chef de l’Etat a la haute main sur la carrière du procureur qui tient l’accusation à l’audience. La promotion du procureur dépend de la partie civile ! Il y a violation des règles. Je m’étonne qu’un homme aussi raffiné et compétent que Jean-Claude Marin (NDLR : le procureur de la République de Paris) ne le voie pas.

Jean Sarkozy est en piste pour prendre la tête de l’établissement public chargé d’aménager le quartier d’affaires de La Défense (Epad)

J’espère qu’il y aura assez de ressort en France pour l’en empêcher. Comment peut-on laisser des programmes d’urbanisation aussi importants dans les mains des barons des Hauts-de-Seine avec le nombre de scandales qu’il y a déjà eu ? Comment peut-on avoir l’idée qu’un homme qui n’a pas les épaules, pas la compétence puisse gérer cela ? Jean Sarkozy a 23 ans et deux ans de droit derrière lui. En plus, il est le fils de celui qui a géré naguère ce département. C’est du népotisme. C’est indigne de la France.

Pensez-vous qu’en mars Europe Ecologie puisse gagner des régions ?

Bien sûr. Nous portons quelque chose dont l’opinion a envie : plus de justice sociale, plus de justice Nord-Sud. Les Français veulent des régions plus propres. Dans tous les sens du terme. Cela veut dire aussi débarrasser les régions des hommes politiques qui sont là depuis trop longtemps, avec trop de privilèges. Par exemple, le PS a tort de maintenir Jean-Paul Huchon en Ile-de-France, alors qu’il a été prouvé que sa probité n’est pas à toute épreuve. J’espère que nous allons conquérir l’Ile-de-France, la région Paca, la Corse et Rhône-Alpes. Je vais m’impliquer dans la campagne, en Ile-de-France et en Paca.

Certains estiment qu’Europe Ecologie est instrumentalisé par Nicolas Sarkozy pour affaiblir la gauche.

On ne peut pas empêcher les commentateurs de dire des bêtises. Nous avons des propositions authentiques, une vision d’une autre société. Cela nuit, c’est vrai, aux socialistes mais ça nuit aussi à l’UMP. Nous sommes portés par une vague de fond.

Propos recueillis par Eric Hacquemand et Rosalie Lucas – Le Parisien du 11 octobre 2009

 

Auteur : EB1962

Militant EELV, élu municipal à Rosny-sous-Bois

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